samedi 2 juillet 2011

Auto-interview

Salut.

Ouais.

Tu fais quoi, ces temps-ci, Coyau ?

Orf… je bricole un peu sur le projet Versailles sur Wikipédia.

En pratique, tu fais quoi ?

Ben, comme c'est trop fatiguant, j'écris rien. Il y a des tas de gens motivés pour s'user le bout des doigts, alors je les laisse faire. En fait, je vais me promener à Versailles, et je prends des coups de soleil. Et des photos (donc en fait je participe plus au projet Versailles sur Wikimedia Commons, en fait).

Des photos de quoi ?

De trucs ridicules. J'aime bien les trucs ridicules. Tiens, par exemple, les mecs se sont fatigués à faire un nœud-nœud à pompon à la queue du cheval de Louis XIV. Il paraît que c'est même pas son cheval, d'ailleurs.

Versailles, statue équestre de Louis XIV 01

Ah.

Oui.

Ou bien il y a ça, qui m'a bien fait marrer aussi. Dans le bosquet des Dômes, il y a une statue d'Acis et une de Galatée, tu sais, Acis le berger charme la nymphe Galatée en jouant de la flûte, mais ça ne revient pas au cyclope Polyphème qui aime Galatée, donc il écrase le gamin sous un tas de cailloux et va se faire la fille. Une histoire lamentable. À te dégoûter d'être berger.
Bref, pour en revenir à ça, la statue d'Acis joue du fifre en regardant d'un œil mouillé de miel à gauche et Galatée lève les bras de surprise en regardant à droite (elle est supposée être surprise par le son de la flûte). Tu te dirais comme ça que naturellement, ils se regarderaient et que ça ferait une scène charmante.

Oui.

Ben non. Ils sont à l'envers. Acis s'époumone pour Le Point du jour, qui est en restauration (donc en fait il joue pour un piédestal vide) et Galatée est vraiment surprise de se retrouver à côté de sa frangine Amphitrite.

Parc de Versailles, Bosquet des Dômes, Acis, Jean-Baptiste Tuby 01Parc de Versailles, Bosquet des Dômes, Galatée, Jean-Baptiste Tuby 01
C'est ballot.

Tu as entendu parler de l'opération 24 heures pour un article ?

Oui, vaguement.

Et tu veux bien nous en parler ?

D'accord, si tu veux.
C'est un truc pour motiver les gens à se sortir les doigts… tu couperas ça au montage, hein… pour motiver les gens à rédiger des articles. Parce que si on les laisse tout seuls, ils vont se promener et ils attrapent des coups de soleil. Donc voila, on te dit tel jour, va éditer tel article en même temps que tous les autres, et on regarde en fin de journée ce que ça donne. Dans le principe, c'est sympa, mais ça doit être un cauchemar à organiser : faut trouver un article assez mal fichu pour qu'on puisse jouer à plusieurs, et puis faut trouver un créneau pour que tout le monde puisse être là. Et quand on ajoute à ça le décalage horaire, ça devient une horreur. M'enfin, voila.
Donc là, il fallait améliorer le Grand Trianon en 36 heures (c'est pas parce que ça s'appelle 24 heures qu'on va se laisser enquiquiner par des détails comme ça, on est trop forts, et on fait ce qu'on veut comme Chuck Norris).
Il y aura bien des gens pour te faire des bilans, des comptes-rendus, comparer l'avant et l'après, et des statistiques passionnantes sur l'opération.

Tu as participé ?

Oui, non, en fait j'étais pas sûr. Et puis j'avais pas noté la date. Enfin, je savais que ça venait, mais sans plus. Et puis je me suis rendu compte que c'était le truc au bout de 24 heures. C'est ça qui est beau quand on te dit que 24 heures en durent 36, c'est que même si tu rates le truc, tu es encore bon. Et tu peux ajouter ta zone.

Qu'as-tu ajouté, donc ?

Honnêtement, moi, Trianon, connais pas. J'y suis jamais allé. Mais j'avais sous la main un livre d'histoire de l'architecture française, donc j'ai potassé les 3 pages sur le sujet. Il y a aussi des pages d'illustrations un peu plus loin, mais j'ai pas regardé. Et puis je me suis dit, un truc comme Trianon, on va sûrement en dire des trucs intéressants dans les traités d'architecture, donc j'ai cherché dans le Cours d'architecture de Jacques-François Blondel.
Tiens, à ce sujet, tout le monde se croit très malin en disant juste Blondel. Des Blondel architectes connus dans l'histoire de l'architecture (je te parle pas du type qui a fait le pavillon de mon cousin Gaston), il y en a trois, tous les trois à l'académie royale d'architecture :
  • il y a Nicolas-François qu'on appelle donc François, Ancien dans la querelle des Anciens et des Modernes (il y a eu ça aussi en architecture), il a formalisé le calcul des escaliers (on apprend ça en première année d'archi, la formule de Blondel), il a écrit un traité d'architecture, il a construit la porte Saint-Denis, et la rue Blondel, c'est lui ;
  • il y a Jean-François, qu'on appelle Jean-François, Rouennais, enseignant, sans relations avec le précédent mais oncle du suivant ;
  • et il y a Jacques-François, qu'on appelle Jacques-François, architecte moyen mais grand théoricien selon Pevsner, auteur d'un traité d'architecture, lui aussi.
Bref, ça m'énerve quand on ne met pas les prénoms, parce que ça veut dire qu'on n'a rien compris à ce qu'on dit.

Donc j'ai potassé Jacques-François, qui a publié un petit siècle après la construction, et qui après l'avoir cité en modèle d'élégance n'arrête plus d'en dire du mal (la frise de la cour est trop petite, les pilastres du côté du Grand Canal sont ridicules, du coup faudra que j'aille les voir, ces pilastres, etc.), j'ai copié une citation qui expliquent l'élégance, ça fait plaisir de pouvoir dire, référence à l'appui (sans être taxé de jugement personnel) ça, c'est élégant, et j'en ai mis un autre qui explique l'italianisme, parce que c'est assez évident quand tu as des notions d'histoire de l'architecture française aux temps modernes (ok, ça commence à être un peu spécialisé, mais quand même…), mais si tu ne le sais pas, tu n'as aucun moyen de trouver tout seul.

Et ton bouquin d'histoire ?

Ah oui. Il prenait la poussière. Donc bon, j'ai passé mon après midi à expliquer dans l'article que Louis XIV, qui campait pratiquement au Grand Trianon, a passé des mois à fiche la merde sur le chantier, et à refuser des fenêtres.

Il a refusé des fenêtres ?

Oui. Il est allé voir le menuisier et il a dit non, pas celle-là.

Non ?

Et il ne voulait plus lâcher l'affaire, ça a duré des jours et des jours, il est même allé chercher Le Nôtre pour dire comme lui.

À tel point que Louvois a emmené Louis XIV faire la guerre un peu plus loin, et qu'il fiche la paix à tout le monde sur le chantier, parce que le truc de la fenêtre devenait juste impossible.

Ouah… Nan, j'te crois pas !

C'est dans tous les bouquins, c'est dans les mémoires de Saint-Simon.

Hum… Et ton bilan de l'opération ?

C'est bien, j'ai appris un truc complètement ridicule. Faudrait juste creuser un peu, parce qu'il doit y en avoir d'autres. Je le sens croquignol, le Grand Trianon, faudra que j'aille voir ça.

Et comme tu ne vas pas me demander, je me pose la question avant d'y répondre, avec quel personnage historique j'aimerais dîner. Saint-Simon.

Merci.

3 commentaires:

Thesupermat a dit…

Le Drand Trianon ? sékoissa ?

Coyau a dit…

C'est croquignol, et c'est corrigé. Merci.

Arkanosis a dit…

Whaaaaa… si tu commences à interviewer des gens aussi passionnants, ton blog va encore monter dans le classement de mes blogs préférés :-)

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